Échanges avec Daphné Chamard-Teirlinck, mobilité inclusive et durable, transition écologique juste.
Quelle place occupe le sujet des mobilités dans votre action ?
DCT – Depuis de nombreuses années, des bénévoles du Secours Catholique s’intéressent aux problématiques de mobilité car l’absence de moyens de transports est un facteur de précarité : en milieu rural, sans voiture, difficile de trouver un emploi, c’est aussi parfois des renoncements aux soins. La mobilité, comme premier frein au retour à l’emploi, est documentée : 28 % des personnes en insertion professionnelle abandonnent leur emploi ou leur formation pour des raisons de mobilité. Le coût des transports, de plus en plus élevé, et particulièrement celui de la voiture, entraîne les personnes que nous accompagnons à des renoncements.
Secours Catholique Caritas
Quelle était votre intention avec ce rapport sur les ZFE-m ?
DCT – En novembre 2021, quand nous avons commencé à travailler sur le sujet, nous cherchions à objectiver le sujet, comprendre véritablement les enjeux et impacts potentiels pour les plus précaires. Compte-tenu des enjeux environnementaux et sanitaires, les ZFE nous semblaient être une politique nécessaire mais pas à n’importe quel prix : elles ne doivent pas se faire au détriment des personnes qui rencontrent déjà des difficultés importantes de mobilité. Nous voulions aussi travailler sur les conditions de réussite de la mise en place de ces politiques qui peuvent être, si elles sont bien menées, une opportunité pour changer le système de mobilité actuel, en faveur de plus d’inclusivité et de durabilité.
Vous défendez le principe de zones à forte accessibilité, de quoi s’agit-il ?
DCT – Nous soutenons des zones à faibles émissions et à forte accessibilité, c’est à dire la mise en place d’une vraie politique publique globale qui vise un triple impact pour tous leurs habitants sur la qualité de vie et la santé de tous ; l’empreinte écologique des déplacements et l’amélioration de leur qualité de vie ; la capacité de tous à se déplacer facilement. Pour cela, elles doivent encourager et soutenir le développement de mobilité alternatives, solidaires et durables accessibles à tous les citoyens, quels que soient leur lieu de résidence et leurs ressources, pour leur permettre de bénéficier de l’ensemble des services du territoire et faciliter les déplacements du quotidien.
Il y a un enjeu à garantir un accès pour tous aux grandes métropoles. Un grand nombre de ménages précaires n’ont pas les moyens de changer de véhicule ni d’alternative à la voiture et se retrouvent ainsi prisonniers d’une réglementation qui les empêche de se déplacer. L’extension du dispositif à des villes moyennes rend l’enjeu encore plus prégnant car les alternatives à la voiture individuelle ne sont pas toujours autant développées que dans les grandes agglomérations et la question du lien entre des territoires urbains et ruraux se pose de manière plus forte. secours-catholique.org Il est aujourd’hui nécessaire et urgent d’accompagner le développement des ZFE-m afin que celles-ci ne conduisent pas au renforcement de l’exclusion et de l’isolement des plus précaires mais qu’elles soient au contraire l’occasion de faciliter les déplacements de tous.
Vous faites une série de 9 propositions : comment les avez-vous travaillé ?
DCT – Ces propositions sont largement issues d’une journée de travail multi-acteurs : en se basant sur l’état de l’art réalisé par Ellyx, nous avons pu bien comprendre les enjeux, les contraintes et les impacts potentiels. Ensuite nous avons travaillé à des propositions concrètes à destination des acteurs nationaux comme l’Etat, les collectivités mais aussi parfois les acteurs locaux associatifs. Nous avons associé des acteurs des délégations du Secours Catholique, le garage solidaire de Rouen Métropole ainsi que différentes associations avec qui nous sommes partenaires sur de nombreux sujets comme le Réseau Action Climat et Emmaüs. Nous avons aussi eu la chance d’avoir le regard de Caroline Gallez, chercheuse spécialisée et d’Etienne Chaufour, directeur Mobilités de France Urbaine.
Comment avez-vous diffusé ce rapport ? Avec quels résultats / suites ?
DCT – Nous avons organisé une présentation de notre rapport et nous sommes régulièrement invités à présenter notre étude auprès des métropoles ou des structures qui s’intéressent au sujet. Cela nous a permis de nous rapprocher de nouvelles structures comme les associations de qualité de l’air et France Urbaine. Nous avons aussi eu l’occasion d’en partager les conclusions auprès des ministères concernés. Notre concept de ZFE à forte accessibilité a été repris comme objectif à atteindre dans la mission parlementaire flash des députés Leseul et Milienne pour laquelle nous avons été auditionnés. Enfin, plus récemment, nous avons été invités à être coanimateurs du comité de concertation national ZFE mis en place par le gouvernement.
