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Mundao est une petite entreprise bordelaise de 4 salariés spécialisée dans le textile compostable. Cofondée par Etienne et Stéphanie Mazet, elle développe depuis 4 ans un prototype de couche vertueuse qui réduira notre volume de déchets et contribuera à fertiliser nos sols. Accompagnée par Ellyx depuis 2018 dans une démarche d’innovation sociale, Mundao veut révolutionner le marché du change pour bébé en s’inscrivant dans une expérimentation où se côtoient logiques économique, sociale et environnementale en faveur de l’intérêt général. Stéphanie nous explique ici comment et pourquoi.
Quelle est la genèse du projet Mundao, quels étaient vos ambitions ou vos objectifs ?
Stéphanie Mazet : Etienne, mon mari, et moi avons fondé Mundao avec la volonté de réduire la quantité de déchets enfouis ou incinérés. Nous avons tous les deux un parcours d’école de commerce et nous voulions donner du sens à notre activité professionnelle ; un sens marqué par des logiques écologiques. Etienne et moi étions déjà sensibilisés aux questions environnementales et nous intéressions aux déchets et à leur fin de vie. C’est comme cela que nous avons découvert que les textiles sont la 3ème catégorie de déchets après les biodéchets, et à hauteur de 15%. C’est énorme ! Nous avons ainsi créé une entreprise spécialisée dans l’innovation environnementale tournée vers les textiles sanitaires compostables afin d’offrir des alternatives vertueuses aux productions actuelles qui sont très polluantes à toutes les phases, de leur fabrication à leur utilisation, jusqu’à leur fin de vie.
Comment cela s’est-il mis en place, avec quelles institutions, organismes ou soutiens ?
Stéphanie Mazet : Nous étions en contact avec le Smicval qui est le syndicat de traitement des déchets intervenant dans le Nord Gironde auprès de 138 communes et plus de 200 000 habitants. Il nous a rapidement confirmé que les couches représentent une part importante des déchets enfouis ou incinérés et de plus potentiellement valorisables grâce au compostage ou à la méthanisation car sa composition est au ¾ de matière organique avec la cellulose et les excrétas. Elles répondent donc aussi à l’enjeu de retour du carbone au sol. À cette époque, les textiles sanitaires n’étaient pas vraiment dans les radars de la pollution comme pouvait l’être le plastique. C’était une démarche pionnière sur un problème peu traité.
“Quand nous avons lancé notre projet, le textile sanitaire n’était pas dans les radars de la pollution et c’est le syndicat de traitement des déchets de Nord Gironde qui a confirmé notre hypothèse de départ”
Quels ont été vos premiers partenaires et pour quelles raisons ?
Stéphanie Mazet : Nous avons obtenu le label Jeune Entreprise Innovante en 2018 grâce au travail avec Ellyx, ce qui a permis de valider notre démarche de Recherche & Développement technique et aussi sociale. Car en effet, la couche est un produit technique mais Ellyx nous a orientés vers une dimension plus systémique en réfléchissant à l’ensemble des acteurs qui pouvaient être concernés par la question de la couche bébé. Le Smicval a été un facilitateur pour embarquer les élus, les crèches et engager les premières phases de compostage industriel. Les institutions publiques (la Région Nouvelle-Aquitaine et l’Ademe) ont été nos premiers partenaires financiers et la ville de Bordeaux a été notre premier client pour expérimenter la première version de Popotine. Ont suivi des territoires en Nord Gironde et depuis quelques semaines la ville de Poitiers. Ces trois acteurs sont convaincus par notre démarche et la nécessité de réduire les déchets ; ils expérimentent la couche et la mise en œuvre de l’écosystème et contribuent ainsi à la construction d’une filière vertueuse de l’utilisation, au tri, à la collecte jusqu’au compostage industriel.
“Nous embarquons dans le projet des acteurs variés comme la municipalité, le département, les crèches, l’Ademe, le Smicval, la Région, le milieu associatif et l’insertion… convaincus par la démarche”
Mais j’imagine que vous avez également rencontré des barrières et des freins ; quels sont-ils ?
Stéphanie Mazet : On peut dire qu’il y a 4 niveaux de freins : technologiques, économiques, sociaux et réglementaires. Les deux premiers concernent directement notre mode de faire et sont finalement assez faciles à moduler même si le financement reste un pilier incontournable et qu’il faut toujours être en prospection financière. Les freins sociaux n’ont pas été trop forts car les gens ont conscience qu’il est impératif de diminuer notre impact environnemental. Avec un peu d’efforts et de bonne volonté, on arrive facilement à les dépasser ! Les freins règlementaires sont certainement les plus difficiles à faire bouger car ils touchent des institutions différentes et d’échelle variable ; notamment, la réglementation est floue en ce qui concerne le compostage des excréta humains. Mais sur la levée de ce frein, on n’est pas tout seuls !
“Avec Ellyx, nous avons élargi notre raisonnement, notre impact et notre réseau pour construire un écosystème d’acteurs investis dans le projet et en mettant autour de la table des personnes ou des secteurs qui ne travaillaient pas forcément ensemble jusque-là“
Quel est l’apport d’Ellyx sur ce dispositif ? Depuis quand et comment travaillez-vous ensemble ?
Stéphanie Mazet : Notre premier contact avec Ellyx a été avec Sébastien Palluault qui nous a aidés à devenir lauréat du réseau Entreprendre en Aquitaine. C’était en 2017 et depuis, nous ne nous sommes plus quittés ! Le premier apport d’Ellyx, c’est celui de la dimension systémique. L’agence nous accompagne dans la structuration de notre programme de recherche et en agrégeant au volet technique celui de l’innovation sociale. Nous avons élargi notre raisonnement, notre impact et notre réseau pour construire un écosystème d’acteurs investis dans le projet. Nous avons mis autour de la table des personnes ou des secteurs qui ne travaillaient pas forcément ensemble jusque-là. Évidemment, des responsables de la ville, des crèches, des parents mais aussi des responsables des déchets, de la collecte, du recyclage, de l’insertion, etc. On ne s’est pas juste contentés de produire une innovation, on est sortis de notre bulle et on collabore aujourd’hui avec des dizaines d’acteurs.
Stéphanie Mazet : La phase d’expérimentation se poursuit car on est sur des temps de test et de validation assez longs. Ces étapes mènent à des rapports, des ajustements, des évolutions puis à des bilans qui conduiront je l’espère à un changement profond du marché des couches et des habitudes. On a aussi engagé d’autres développements. Après les masques sanitaires compostables industriellement, nous voulons toucher le marché de la couche d’incontinence dont il est facile, à première vue de mesurer l’impact environnemental catastrophique. On abordera alors le chantier avec la même approche écosystémique que pour le change bébé ; et probablement toujours avec l’accompagnement d’Ellyx !